Pourquoi Honda quitte-t-elle la F1?

Pourquoi Honda quitte-t-elle la F1?2021-01-15T14:22:59-05:00

Le retrait de Honda de la F1 laisse en plan deux écuries, à savoir Red Bull Racing et sa petite sœur italienne, la Scuderia AlphaTauri, également propriété de la boisson énergisante autrichienne Red Bull. Toutes deux devront donc se rabattre sur un autre motoriste afin de propulser leurs bolides lors de la saison 2022.

Rouler à coups de centaines de millions

La F1 est véritablement le domaine de la démesure financière. On estime en effet que le budget annuel des écuries de pointe (Mercedes-AMG, la Scuderia Ferrari, Red Bull Racing) oscille entre 400 à 500 millions USD. Quant au développement d’un moteur de F1, il peut en coûter près de 1,5 milliard USD au manufacturier qui se lancera dans une telle entreprise[1]. Et malgré l’imposition d’un plafond budgétaire pour toutes les écuries en 2021[2], le mal semble déjà fait…

Déjà meurtris par les impacts économiques désastreux de la pandémie de COVID-19, les constructeurs automobiles ont aussi à négocier la délicate transition vers des véhicules plus verts, même si la demande n’est pas encore pleinement au rendez-vous[3]Cette transition demande à l’heure actuelle aux manufacturiers des investissements financiers et technologiques colossaux, en plus de poursuivre le développement et la production des véhicules dits thermiques, encore très largement majoritaires sur nos routes.

Bien que sa situation financière ne soit pas évoquée noir sur blanc dans le communiqué diffusé par Honda à l’automne dernier, le manufacturier japonais justifie surtout sa sortie du championnat de F1 par le désir de se positionner judicieusement dans le marché futur (entendre ici la mi-siècle) de l’automobile commerciale. Mais on devine évidemment que les sommes englouties par Honda dans ses activités en F1 seront rapidement affectées à l’atteinte des objectifs environnementaux du constructeur.

Le défi de l’hydrogène

Car la véritable transition énergétique, celle qui devrait faire une différence durable pour la planète, sera basée sur l’exploitation de l’hydrogène, l’élément chimique le plus simple, le plus léger et le plus abondant qui soit dans l’univers. Les promesses de la propulsion électrique à l’hydrogène sont immenses : un potentiel énergétique plus grand que les hydrocarbures (voir l’histogramme ci-contre), de l’eau comme seul rejet, une plus grande autonomie et un temps de recharge en deçà de cinq minutes. Mais il y a un hic! L’hydrogène ne se trouve pas seul à l’état naturel, mais toujours en combinaison avec d’autres molécules, comme dans le cas de l’eau (H2O) ou du méthane (CH4). On doit donc séparer les molécules afin d’obtenir l’hydrogène, et les procédés pour y parvenir s’appuient à l’heure actuelle… sur les énergies actuelles, énergies beaucoup moins propres. Bref, la propulsion à l’hydrogène demandera encore du temps, et des sommes importantes en recherche et en développement. Cette vidéo du quotidien Les Échos vous en apprendra davantage sur le potentiel et les défis de l’hydrogène.

 

 

En somme, la propulsion électrique à l’hydrogène est, et sera dans les années à venir, un ingrédient essentiel au cocktail énergétique vert que tous appellent de leurs vœux pour l’avenir. Mais avant d’en arriver à une technologie à point, il faudra investir, investir et investir encore… La stratégie d’entreprise est essentiellement affaire de choix, les ressources (notamment financières!) des organisations étant limitées. En quittant le grand cirque de la F1, Honda a clairement fait un choix qui pourra, espère-t-elle, la positionner avantageusement dans le marché futur de l’automobile. CFQD!

 

François Normandin
M.Sc. (Histoire), M.A.P., M.B.A.
Chargé de cours et professionnel de recherche, Pôle sports HEC Montréal
Animateur du blogue Échec et Strat

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