Loin devant les meilleures ligues professionnelles de soccer, la NFL est le circuit de sport professionnel qui génère le plus de revenus, et ce à l’échelle de la planète. Qu’est-ce qui fait le succès financier d’une telle ligue? Dans cette série de trois articles, nous présentons, à l’aide du Business Model Canvas de Yves Pigneur et d’Alexander Osterwalder, certains des éléments clés du modèle d’affaires de la NFL.
Dans ce second article, nous traitons de la question des coûts de la NFL. Nous compléterons cette analyse en posant un regard sur la proposition de valeur de la NFL, tout comme sur les défis que la ligue doit actuellement surmonter afin de continuer sa remarquable croissance.
Succès commercial sans pareil dans le merveilleux monde du sport professionnel, la National Football League (NFL), tel que nous le relations dans le premier article de cette série, a généré en revenus environ 13 milliards USD la saison dernière, loin devant les autres ligues de sport professionnel, et ce à l’échelle de la planète. Mais qu’en est-il des coûts qui sont induits par les activités de la ligue et des 32 équipes qui la composent? Le Business Model Canvas de Yves Pigneur et de son complice Alexander Osterwalder, présenté ci-bas, permet d’entrevoir les principales variables qui entrent dans la composition des coûts de toute entreprise ou de toute organisation. Dans le cadre de ce second article, portons notre attention à la partie de gauche du schéma (entourée en vert), qui présente les principaux éléments à considérer en termes de dépenses.
Un calendrier restreint
Comme on peut facilement l’imaginer, les affrontements entre les 32 clubs de la ligue constituent la principale activité de la NFL. La saison régulière, qui s’étale du début septembre jusqu’à la fin décembre, comprend 16 parties (huit à domicile et huit à l’étranger). Une simple multiplication permet de constater qu’il y a 512 parties au calendrier régulier. Les parties d’après-saison étant à élimination directe, dix matchs sont ainsi joués jusqu’à l’affrontement final, le Super Bowl, qui a traditionnellement lieu au début du mois de février. La saison entière de la NFL comprend donc 523 matches, ce qui est bien peu en comparaison des autres ligues de sport professionnel.
Mais ce point de départ sportif est surtout prétexte à déployer une immense machine de marketing qui vise à la fois à promouvoir les activités de la ligue, mais également à susciter l’attachement et l’enthousiasme des partisans, actuels et futurs. Le site centralisé de vente de produits dérivés nflshop.com constitue évidemment une imposante vache à lait pour le circuit professionnel, le tout à un coût dérisoire par rapport aux revenus réalisés par l’intermédiaire dudit site. Mais la ligue n’hésite par ailleurs pas à allonger les dollars à profusion afin de populariser le sport, le circuit et ses équipes. On en voudra pour preuve le NFL Experience, un immense espace commercial et promotionnel ayant pignon sur rue sur Times Square, au cœur de New York. Pouvez-vous seulement imaginer le loyer mensuel que paie la ligue pour cet emplacement?
Les joueurs, le poste budgétaire d’importance!
Comme c’est bien souvent le cas pour bon nombre d’entreprise et d’organisations, les ressources humaines, à savoir les joueurs eux-mêmes, constituent le gros des dépenses annuelles de chaque équipe. Les experts s’accordent à dire qu’en général, la masse salariale de l’ensemble des 32 équipes oscille entre 50 % et 60 % des dépenses encourues par ces dernières. Fait important à noter, la NFL impose aux équipes un plafond salarial quant à l’embauche de joueurs (167 millions USD par équipe la saison dernière), permettant ainsi au circuit de maintenir un haut niveau de parité entre les clubs et d’éviter, comme on le voit dans le soccer européen notamment, une surenchère entre les clubs et une flambée de la valeur des contrats des joueurs. À titre d’information, le salaire moyen d’un joueur de la NFL est de 2,75 millions USD (une carrière professionnelle ne dure que 3,3 saisons en moyenne), ce qui en fait les sportifs professionnels les moins bien rémunérés en Amérique du Nord!
De solides partenariats
La ligue inclut également dans son modèle d’affaires des partenaires clés, qui lui permettent de maintenir, voire même de développer l’intérêt de certains segments de clientèle jugés stratégiques au développement du football américain. Ces partenariats contribuent aussi à l’excellente réputation de la ligue quant à sa responsabilité sociale. Par exemple, chaque mois d’octobre, dans le cadre de la campagne A Crucial Catch, développée avec l’American Cancer Society, les joueurs, les entraîneurs et même les arbitres portent des accessoires ou des pièces d’équipement de couleur rose! Pensons également au plus vieux partenariat toujours existant entre une ligue professionnelle et une organisation caritative, celui établi en 1973 entre la NFL, la NFL Players Association (NFLPA) et United Way. À cet égard, la NFL fait d’une pierre deux coups puisque les programmes mis de l’avant s’adressent aux enfants (la clientèle future) et cherchent à lutter contre l’exclusion économique et à favoriser la santé et l’éducation, touchant notamment du coup les communautés à prédominance afro-américaine, dont sont issus près des trois quarts des joueurs professionnels (la relève).
Des coûts presque secrets…
La NFL est notoirement discrète quant à ces questions de revenus et de coûts. Heureusement pour nous, le statut particulier d’une équipe, les Packers de Green Bay, permet d’obtenir un portrait relativement fidèle de la situation financière des équipes du circuit. De fait, l’immense majorité des équipes sont la propriété de magnats : les états financiers de ces dernières sont donc privés et non divulgués. Toutefois, par un curieux concours de circonstances de nature historique, les Packers de Green Bay sont la seule équipe à être détenue par… ses partisans! Le club est en effet constitué sous la forme juridique d’une entreprise à but non lucratif, au sein de laquelle environ 360 000 actionnaires se partagent les quelque cinq millions de parts de l’équipe. Ce faisant, l’équipe est donc tenue de publier ses états financiers annuellement, qu’il est possible de consulter, et à partir desquels on peut identifier la structure de coût de l’équipe et, in extenso, celles des autres clubs, toutes proportions gardées :
En bridant les coûts, notamment au chapitre des salaires, et en maximisant les revenus grâce à l’imposante machine publicitaire qui entoure les activités de la NFL, le circuit américain est ainsi en mesure de présenter un impressionnant bilan positif année après année la ligue est ainsi en mesure de dégager d’importants profits. Et même si les Packers ne sont pas repartis avec le trophée Vince-Lombardi en main cette année, l’équipe pourra se consoler, financièrement parlant, puisqu’elle a présenté, toujours selon son rapport annuel, des revenus de 441,4 M USD, des dépenses de 376,1 M USD, pour un bénéfice opérationnel de 65,3 M USD!
François Normandin. 1 mars 2018. « La NFL, un modèle d’affaires gagnant – Les coûts (2) ». À partir de: https://echecetstrat.com/2018/03/01/la-nfl-un-modele-daffaires-gagnant-les-couts-2/